Note 5.103 – Facéties et pièges de l’imagination

Le rôle de la sensibilité est de faire pénétrer dans la profondeur de l’homme les idées abstraites qu’il a saisies par son intellect ; la volonté consiste à mettre ces idées en action ; l’imagination consiste à supposer des équivalences.

À propos de l’imagination, le Rambam écrit dans le premier des Huit Chapitres :

“Le compartiment imaginaire [de l’âme humaine] a la faculté de rappeler le souvenir des perceptions, après qu’elles ont disparu du champ des sens qui les ont saisies, pour en combiner certaines et en séparer d’autres. L’imagination peut ainsi former, à partir de ce qui a été saisi, des compositions qui n’ont jamais été saisies et qu’il est tout-à-fait impossible de trouver [dans la réalité]. L’homme peut imaginer un vaisseau d’acier filant dans les airs, ou un personnage dont la tête est au ciel et les pieds sur terre, ou encore une bête avec des millier d’yeux, tout cela en manière de métaphores… L’imagination a le pouvoir d’inventer quantités de telles chimères, irréelles et invraisemblables”.

De sorte qu’il est très possible d’être égaré par les mensonges de l’imagination. La plupart des gens ont une vie imaginaire peuplée d’ombres, comme dans la parabole de la grotte de Platon [Politia, livre 7] :

“- Représente-toi la scène que je vais te décrire, et tu te feras de notre nature une idée édifiante et instructive. Représente-toi des hommes vivant au-dessous du sol, dans une sorte de grotte reliée à l’air libre par un long couloir d’entrée, sur toute la largeur de la caverne. Ces hommes y sont retenus prisonniers depuis leur naissance, et ils ont les jambes et le cou entravés, de sorte qu’il leur est impossible de se déplacer. Ils ne peuvent voir que ce qui est devant eux, car un carcan les empêche de tourner la tête. À une certaine distance derrière eux se trouve la lumière d’une flamme placée en hauteur. Entre le feu et les prisonniers, il y a un chemin de traverse le long duquel, imagine-toi, on a construit une cloison comme celle qui sépare les marionnettistes de leur public, et au-dessus de la quelle ils brandissent leurs personnages fictifs. – Je vois.

“- Imagine-toi encore que tout au long de la cloison il y a des hommes qui brandissent toutes sortes d’objets, des silhouettes faites de pierre, de terre ou d’autres matières, aux formes humaines ou animales. Et comme c’est l’habitude, certains animateurs donnent de la voix et d’autres se taisent. – Drôle d’histoire, et drôles de prisonniers ! – Ils sont comme nous !…” 

Ceux qui sont assis dans la grotte ne savent pas que les formes qu’ils voient ne sont que les ombres, et que la réalité véritable se trouve au niveau supérieur. Et nous, nous sommes comme eux… [Le monde matériel tel que nous le voyons est comme les ombres que voient les prisonniers. Comme eux nous croyons trouver en ce que nous voyons l’essence de la réalité, parce que nous ne voyons pas la réalité supérieure (spirituelle) qui le détermine – NdT].