C’est le cas d’un adolescent qui s’est mal comporté, à qui l’on dit : “puisque tu as pris de mauvaises manières, tu seras mis complètement sous l’autorité de ton père, et tu devras faire tout ce qu’il te dit”. De même, la conduite du peuple d’Israël s’est dégradée et il doit retourner chez son père, à savoir Adam le premier homme, pour retrouver la nature humaine commune à tous. C’est pourquoi le prophète Michée dit [6, 8] :
“Homme, on t’a dit ce qu’est le bien, et ce que l’Éternel attend de toi : simplement de pratiquer la justice, d’aimer le bien et de marcher modestement avec ton Dieu”.
Est-ce vraiment tout ce qu’il faut faire ? Qu’en est-il alors de tout ce qui concerne le Chabbat, la cacherout, la pureté familiale, et toutes les autres mitsvot ? ‒ Ce qu’on veut dire ici, c’est que lorsque tout est corrompu, il faut commencer par revenir à tout le moins à ces choses-là.
C’est ainsi que le rabbin explique les paroles du prophète au roi des Khazars [Kouzari 2, 48] :
“Ces choses-là, ce sont les ‘lois rationnelles’. Elles ne sont que préparatoires et préliminaires à la Thora divine, sur laquelle elles ont une antériorité dans la nature et dans le temps. Sans elles, aucune société humaine ne peut fonctionner. Même une société de brigands ne pourrait se passer d’administrer la justice dans ses affaires internes, faute de quoi elle ne pourrait se maintenir. Mais quand les enfants d’Israël se rebellèrent, quand ils se mirent à négliger les mitsvot rationnelles, et les règles de comportement aussi indispensables à toute société que le sont pour l’individu les besoins naturels de nourriture, de boisson, de mouvement, de repos, de sommeil et de veille, alors que dans le même temps ils manifestaient le plus grand zèle pour les sacrifices et les mitsvot spirituellement très élevées, Dieu leur fit savoir qu’il se contentait de moins que cela. Il leur dit : ‘si seulement vous observiez les mitsvot [rationnelles] que doit respecter la dernière et la plus modeste des sociétés humaines, à savoir : la justice, la bienfaisance et la reconnaissance envers la bonté divine’ !
“En effet, la Thora divine ne peut se réaliser que sur la base d’une organisation rationnelle de la société, incluant l’exercice de la justice et la reconnaissance envers la bonté divine. Et pour l’homme qui n’a même pas cela, quel sens y a-t-il à apporter des sacrifices, ou à accomplir les mitsvot de Chabbat, de la circoncision, etc., qui échappent à l’intelligence rationnelle ? C’est à ce propos qu’il leur a été dit : ‘qu’attend de toi l’Éternel ? …’ ; ou : ‘rassemblez vos holocaustes et vos autres sacrifices et mangez-en la chair !… [‘mangez-les vous-mêmes, car ils sont de toute façon invalides’ – NdT – Jérémie 7, 21], et autres choses du même genre”. [Traduit d’après Charles Touati, Verdier 2001.]
On peut rapprocher de ceci les paroles d’Hillel à cet étranger qui voulait se convertir au judaïsme “à condition qu’on lui apprenne toute la Thora pendant qu’il se tenait sur un pied. Il lui dit : ‘ne fais pas à ton prochain ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse, voilà toute la Thora’…” Est-ce vraiment toute la Thora ? En réalité, il faut simplement commencer par là, et seulement quand tu seras un homme digne de ce nom… “tout le reste n’est que commentaire. Va et apprends !” [Chabbat 31a]