Note 2.46 – La mitsva de la terre d’Israël s’accomplit en mettant en oeuvre les moyens de la construction nationale

Des individus peuvent survivre en exil, mais une nation a besoin de sa terre pour survivre : 

“L’Éternel dit à Abraham : va-t’en de ton pays, du pays de ta naissance et de la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai, et [du fait que tu iras sur cette terre] Je ferai de toi une grande nation…”  [Genèse 12, 1-2].

Puisque nous sommes identifiés comme une nation, nous avons besoin de vivre sur notre terre pour y édifier notre état : 

“Pour l’accomplissement de ce dessein [de ‘faire sortir l’humanité de sa misère spirituelle et matérielle à la lumière de l’idée divine, de l’amener à une vie de liberté pleine de dignité et de délices, et de faire réussir ainsi tout le projet de l’homme’], ce peuple doit avoir un état politique et social, et le siège d’un gouvernement national au sommet de la civilisation humaine… 

“Il faut savoir que ce ne sont pas seulement les sages distingués, pieux, ascètes et dévoués à Dieu qui peuvent vivre à la lumière de l’idée divine, mais également des peuples entiers, éduqués et développés par la culture et la vie nationale, des peuples entiers comprenant toutes les couches sociales, depuis la crème de l’intelligentsia raffinée, distinguée, cultivée des cercles privilégiés, jusqu’aux plus larges catégories sociales, politiques et économiques, jusqu’au prolétariat dans toutes ses factions, y-compris le plus bassement terre-à-terre”  [La Marche des Idées en Israël, § 2].

Le problème est que nous avons oublié que nous sommes une nation, parce que pendant deux mille ans d’exil nous n’avons pas vécu en tant que nation, mais comme des individus dispersés et séparés. Or la mitsva d’habiter en terre d’Israël s’adresse essentiellement à la collectivité, au point que d’après certaines opinions, tant que la terre d’Israël n’est pas sous la souveraineté d’Israël, celui qui vient y habiter à titre individuel ne réalise pas la mitsva. C’est ce qu’écrit Rabbi Yéhochou’a de Koutna dans les Responsa Yéchou’ot Malko, Yoré Déah § 66 : 

“Selon l’opinion du Ramban, pour qui il s’agit d’une mitsva positive de la Thora, l’essentiel de la mitsva consiste à prendre possession de la terre et à y habiter en propriétaire des lieux, ce qui implique de la conquérir pour qu’elle fasse partie de notre patrimoine. Il ne suffit donc pas de s’y installer dans un vide statutaire comme maintenant”. [Rabbi Yéhochou‘a de Koutna vécut en Europe de 1820 à 1893 – NdT]

Rabbi Tsadok haCohen de Lublin [qui vécut également en Europe de 1823 à 1900] dit la même chose dans une lettre publiée à la fin du livre Or Zaro’a Létsaddik Poked ‘Ikarim : 

“Cette mitsva n’a pas de nos jours de caractère obligatoire pour tous, comme le montre le sens littéral du verset : ‘Vous en prendrez possession et vous l’habiterez’, [Deutéronome 11, 31] ; elle n’est réalisée qu’après la prise de possession du pays, c’est-à-dire qu’il soit conquis et sous la souveraineté d’Israël…”. 

Mais ceci est une opinion isolée. Pour la majorité des décisionnaires, classiques et modernes, la mitsva accomplie au niveau individuel est valable même si la mitsva collective fait défaut [voir Nétivot Israël (II) p. 181, ‘Letokef Kedouchato Chel Yom ‘Atsmaouténou’].

Il reste cependant que l’essentiel de la mitsva est sa réalisation par la collectivité [comme cela ressort des propos du Ramban dans l’Addendum au Livre des Mitsvot du Rambam, mitsva positive n°4]. Même si cela n’invalide pas la mitsva individuelle [tout comme la mitsva des téfilines de la tête n’invalide pas celle des téfilines du bras], cela conditionne son ampleur et sa force.

Le problème est qu’à nos yeux, comme nous avons oublié que nous sommes une nation, habiter en terre d’Israël n’est plus qu’une mitsva individuelle, ce qui lui fait perdre son statut de ‘chose fondamentale’, comme dit le Rav. Nombreux sont ceux qui pensent que ce n’est qu’une mitsva parmi les 613, et qu’il vaut mieux pour eux ne pas venir habiter en Israël, où ils vivraient dans la pauvreté, et rester riches en Amérique pour financer les yechivot et les Sages d’Israël… “Il y a 613 mitsvot et il n’est pas possible de les accomplir toutes !…

La réalité de l’état d’Israël amène de nombreux d’entre nous à se ‘harediser et à considérer que la mitsva d’habiter en terre d’Israël est de l’ordre de la responsabilité individuelle, parce qu’ils ne veulent pas voir la réalité du collectif : “Je me bats pour ma maison, et vous, vous venez me gêner dans l’accomplissement de ma mitsva ? C’est pour cela que je désespère de cet état !…