Note 2.45 – L’exil n’a de sens que comme préparation à la Délivrance

Cet homme [qui s’arrête au sens extérieur] argumentera ainsi :

“Si le peuple d’Israël n’a pas de terre à lui, il aura beaucoup moins à se casser la tête ;

“C‘est si charmant et agréable de vivre en Amérique, dans un pays où règne la liberté de religion, où on ne nous tourmente pas, où il n’y a pas d’intrigues antisémites contre nous, où on peut étudier la Thora et pratiquer les mitsvot ! Que nous importe que le gouvernement soit à nous ou à quelqu’un d’autre ?

Il manquera tout au plus une mitsva parmi 613. C’est évident que je suis pour l’accomplissement de toutes les mitsvot, mais finalement il n’existe aucun homme qui accomplisse toutes les mitsvot. Est-ce que tout le monde peut accomplir la mitsva de rachat d’un âne premier-né ? Si on a la possibilité de faire la mitsva, tant mieux, mais sinon, ce n’est pas la fin du monde !”

En résumé :

Qu’est-ce qui manque au peuple d’Israël quand il est en exil ?”…

Contre tous ces arguments nous devons répondre qu’en exil, le peuple d’Israël manque de la profondeur de la vie divine, de la vie d’une nation ! La nation ne vit que lorsqu’elle est sur sa terre, en exil elle ne vit pas mais elle survit.

Le prophète Ézéchiel eut la vision d’une vallée pleine d’ossements desséchés [chap. 37], et en effet, en exil l’homme d’Israël…

“…peut en venir au désespoir en disant : ‘ces ossements pourraient-ils revivre ?’ [ibid. v. 3] Car notre marque distinctive s’est terriblement effacée chez les nations, et notre souvenir s’est oublié, comme il est dit : ‘Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu, c’en est fait de nous’  [ibid. v. 11]”   [Kouzari 3, 11].

Le Gaon Rabbi Éliahou de Vilna écrit à ce propos [Compilations du Gaon de Vilna, à la fin du Sifra Detsni’outa, qui est la partie la plus intime du livre du Zohar, écrite par Jacob notre père] : “Car depuis la destruction du Temple notre esprit est sorti, couronne de notre tête, et nous sommes restés, nous seuls, un corps privé de vitalité” ; et puisque le corps reste sans souffle, il va de soi qu’il est livré à lui-même et qu’il se décompose : “Sortir de la terre d’Israël, c’est le tombeau ; alors la vermine nous enserre sans que nous puissions nous en débarrasser – ce sont les païens qui mangent notre chair. Les non-Juifs nous ‘mangent’ au moyen des pogroms et de l’assimilation, tout cela à cause de l’absence de l’esprit [rouah] : “Malgré tout il y eut de grandes yechivot, mais vint le moment où la chair se décomposa, où les os se dispersèrent, dispersion après dispersion. Il y eut malgré tout des os qui tinrent encore bon, des Sages en terre d’Israël qui maintenaient encore le corps” – les Sages sont le ‘squelette de la nation’ – “jusqu’à ce que les os se décomposent, qu’il ne reste plus de nous qu’une pelletée de pourriture et que nous devenions poussière : ‘notre âme est tombée en pousssière’  [Psaumes, 44, 26]”.

De notre âme nationale il ne resta plus qu’une pelletée de pourriture, au point qu’elle se transforme en poussière et qu’elle périsse, “Et nous espérons maintenant la résurrection des morts‘Secoue-toi de ta poussière, lève-toi’ [Isaïe 52, 2] ; ‘Et se répandra sur nous un esprit d’en-haut’ [ibid. 32, 15]. Nos ossements gisent épars au bord de la tombe – [à cause de la dispersion et de la dislocation de l’exil] – comme [quand le laboureur] creuse et entrouvre le sol, ainsi nos ossements gisent épars autour de la tombe” [Psaumes 141, 7, et voir Nétivot Israël du Rav Tsvi Yéhouda, pp. 78, 136, 208]

C’est pourquoi nous ne pouvons avoir accès à la profondeur de la vie divine, et par là à la profondeur de la vie d’Israël sur sa terre, que par l’étude des secrets de la ThoraMais l’homme dont on parlait au début, qui ne s’occupe pas des secrets de la Thora, n’est pas capable de voir ni de comprendre l’immense sanctification du Nom divin que constitue la royauté divine dans le monde d’ici-bas, projetée dans la réalité par l’état d’Israël, qui est la base du trône divin dans le monde [Orot Israël 6, 7]. À des époques de chute spirituelle et d’obscurité, il est très difficile de voir ces choses, mais… 

“Celui qui reste à l’écart a du mal à comprendre comment, dans tous les courants de pensée apparemment éloignés même de la foi, le souffle de vie pourrait s’animer de toute sa force intérieure, ne cherchant pas seulement la proximité de Dieu en général, mais la vraie vie d’Israël, la cohérence des mitsvot au plan de l’imagination, de la réflexion, du lyrisme et de la pratique. Mais ce ne sera pas étonnant pour celui dont l’esprit est relié dans ses fondements aux profondeurs de la Knesset Israël, et qui connaît les merveilles de ses ressources cachées. Là est le secret de sa force, sa puissance de vie qui ne tarira jamais : ‘vous observerez mes statuts et mes lois, car l’homme qui les pratique vit par eux, Je suis l’Éternel’  [Lévitique 18, 5] ; ‘Je me promènerai devant l’Éternel dans les pays de la vie  [Psaumes 116, 9] – c’est la terre d’Israël  [Midrach Tehilim chap. 56]”[Orot, la Terre d’Israël , § 8]


Sur le principe fondamental que “ce qui est conjoncturel ne persistera pas[Tiféret Israël, chap. 16], le Maharal écrit, dans le premier chapitre de son livre Netsah Israël, que puisque la situation naturelle de toute nation est d’être réunie, indépendante et installée sur sa terre, et que donc la dispersion, l’asservissement et l’exil caractérisent une situation antinaturelle…

“…l’exil par lui-même apporte une preuve évidente au sujet de la Délivrance. En effet, il est évident que c’est l’exil qui est une altération et une aberration de l’ordre des choses. Le Saint-Béni-Soit-Il a attribué à chaque nation le lieu qui lui convient, et Il a attribué à Israël le lieu qui lui convient, la terre d’Israël. L’exil est donc une complète aberration. Quand les fils d’Israël sont en-dehors de leur lieu d’habitation naturel, rien ne tient solidement pour eux, c’est une situation contre nature, et il suffit qu’ils rentrent chez eux [pour que les choses rentrent dans l’ordre]. Si la situation se prolongeait indéfiniment, alors l’antinaturel deviendrait naturel, or ceci est absolument impossible… La dispersion n’est pas une situation naturelle, et comme toute chose revient [finalement] à sa place, les éléments dispersés et séparés sont appelés à revenir pour constituer un ensemble unique… Et puisqu’Israël forme une nation une, exempte de divisions et de clivages plus que toute autre, sa situation normale est d’être rassemblée. De là on voit que la dispersion, pour eux particulièrement, est une situation absolument antinaturelle… De plus, il n’est pas conforme à l’ordre des choses qu’une nation soit asservie à une autre, car le Saint-Béni-Soit-Il a créé chacune des nations pour elle-même… [Ainsi nous apprenons que l’exil, parce qu’il est une situation antinaturelle, ne peut être définitif ; et de plus] l’analyse de l’exil nous permet de bien comprendre la Délivrance [qui est son opposé].

De manière similaire, nous n’avons pas à nous désespérer de voir le peuple d’Israël éloigné de la Thora et affaibli dans son attachement à la terre d’Israël, car de telles situations sont contre nature, et il y a une limite aux distorsions de la nature.