Ainsi, le Rav Chimchon Raphaël Hirsch élabora toute une théorie intitulée ‘Thora ‘im Dérekh Érets’/‘la Thora avec l’éducation générale’, qui lui permit de sauver le judaïsme d’Allemagne, et le Rav le surnomma “géant de sagesse, prince divin d’en-haut… qui a sauvé par la vaillance de sa droite ce qui subsistait du judaïsme occidental” [Igrot Haréïya (I) p.182]. Mais pour autant il n’y a pas à dénier les secrets de la Thora, et nous devons prendre garde à ce que l’impératif du respect d’une pensée différente s’applique dans les deux sens !
Par exemple, il est permis d’être un adepte du Merkaz Harav, mais il est interdit de dénigrer les haredim ! Il est permis d’appartenir à un certain courant, mais on ne doit jamais penser que ce courant est tout à lui tout seul, il ne faut pas ignorer la richesse des autres courants…
Un jour un élève Habad demanda au Rav Tsvi Yéhouda notre maître quel était son avis sur Habad. Il répondit : “Habad, c’est une partie du judaïsme”. L’élève lui demanda : “Alors, quel est le problème avec Habad” ? ‒ et il lui répondit : “Habad pense parfois qu’il est tout le judaïsme…”.
Notre maître le Rav Tsvi Yéhouda ne récusait pas ceux qui ne pensaient pas comme lui, il récusait seulement ceux qui récusent les autres. L’expression ‘dénigrer le dénigrement’, employée dans Séfer Léhalakhot Tsibbour, p. 251, vise plus particulièrement ceux qui dénigrent la mitsva d’habiter en terre d’Israël, c’est-à-dire la mitsva du retour d’Israël sur sa terre et de la construction de l’état.
Un jour, notre maître eut des paroles virulentes vis-à-vis des haredim, et il alla ensuite prier Minha en compagnie de son élève à la maison d’étude des Nétourei Karta. Quand celui-ci lui exprima son étonnement, notre maître lui dit : “quel rapport ? Leur façon de considérer la terre d’Israël est complètement erronée, mais pour tout ce qui touche à la prière, ils savent la faire comme il faut” !
Question : mais dans le présent chapitre, le Rav dit que celui qui n’étudie pas les secrets de la Thora a de sérieuses carences !…
Réponse : il est permis d’avoir des carences.
Question : mais il lui manque quelque chose de fondamental !…
Réponse : qu’est-ce cela peut faire, qu’il manque à cet homme quelque chose de fondamental ? Il ne s’agit pas ici de la génération entière, nous parlons seulement d’un groupe d’individus. Il se peut fort bien que quelqu’un, à titre personnel, ne soit pas fait pour l’étude des secrets de la Thora et ne veuille pas s’en occuper. Il n’y a rien à redire tant que cela ne provoque pas une carence dans la nation. De la même manière, il est permis à un homme de vouloir ignorer la médecine, bien que des gens puissent mourir parce qu’il ne saura pas leur porter secours. Cela lui est permis tant qu’il ne dénie pas aux autres le droit d’étudier la médecine […].
Question : mais comment est-il possible que des Grands de la Thora manquent de ces notions fondamentales ?
Réponse : prenons un exemple : le Rambam a écrit que celui qui dit que le Maître du monde “a un corps et qu’il a une image” est un hérétique [Lois sur la Techouva 3, 7]. Et là-dessus le Ravad lui fait les remarques suivantes :
“Avraham [c’était le nom du Ravad] dit : pourquoi l’appeler hérétique ? De plus grands et de meilleurs que nous se sont fourvoyés dans cette voie, parce qu’ils ont suivi le sens littéral des versets, et surtout parce qu’ils se sont fiés aux récits des aggadot du Talmud, qui peuvent en effet induire en erreur [parce qu’elles sont toujours formulées de manière métaphorique]…”.
Ceci montre qu’il y a eu des Grands d’Israël qui se sont trompés sur ce point fondamental. Et de la même manière, dit notre maître, il y a eu des Grands d’Israël qui se sont trompés sur le mouvement sioniste, et sur tout le processus engagé dans la fin de l’exil !…