Note 1.22 – La ‘ségoula’/capacité spirituelle de la terre d’Israël

Ce principe est difficile à comprendre pour nous, parce que finalement la terre est une réalité matérielle et concrète. Alors quel rapport peut-il y avoir avec la réalisation des aptitudes spirituelles d’Israël ?

On peut trouver un exemple analogue dans la Bible : quand Na’aman, le chef des armées d’Aram, demanda à être guéri de sa lèpre, le prophète Élisée lui dit qu’il devait se tremper sept fois dans le Jourdain : 

“Na’aman se mit en colère, et il s’en alla en disant : ‘je pensais qu’il allait venir vers moi, prendre du temps, invoquer le Nom de l’Éternel son Dieu, imposer sa main sur la plaie, et qu’il allait ainsi enlever la lèpre ! Est-ce que l’Amana et le Parpar, les rivières de Damas, ne valent pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? Et est-ce qu’en m’y baignant je ne m’y serais pas purifié’ ? Et il partit furieux’    [Rois II 5, 11-12].

Na’aman se mit en colère parce qu’Élisée ne pria pas Dieu pour lui, mais qu’il lui prescrivit d’aller se tremper dans le Jourdain. On peut se demander : s’il se fiait au pouvoir d’Élisée de le guérir par sa prière, pourquoi ne se fiait-il pas à son ordre de se baigner dans le Jourdain ? En fait, ce sont ses serviteurs qui furent obligés de l’en convaincre !

Commentaire du Rav Aviner dans Tal Hermon  [p. 398] :

“Ces choses ont été expliquées par le Rav Chlomo Goren [Thorat Hamo’adim p. 113], selon ce qu’il entendit lui-même une cinquantaine d’années auparavant de la bouche du Rav Kook. La Guemara de ‘Avoda Zara [3b] rapporte une vision prophétique sur le futur à venir : le jour du Grand Jugement, les peuples prétendent devant le Maître du monde que si les mitsvot leur avaient été assignées ils les auraient accomplies, et qu’il serait donc injuste de les disqualifier [au profit d’Israël]. Alors le Saint-Béni-Soit-Il les met à l’épreuve en leur donnant une unique mitsva. Laquelle ? ‒ La mitsva de la soukka. Tous vont aussitôt faire leur soukka sur leur toit. Mais le Saint-Béni-Soit-Il fait darder sur eux un soleil de plomb, comme en plein mois de Tamouz. Alors chacun sort de sa soukka en lui donnant un coup de pied, et le Saint-Béni-Soit-il se met à rire, comme il est dit :

‘Celui qui réside dans les cieux se met à rire, l’Éternel se moque d’eux’   [Psaumes 2, 4].

“On demande : pourquoi le Saint-Béni-Soit-Il choisit-Il cette mitsva particulière pour les éprouver ? On voit par ailleurs que les non-Juifs sont eux aussi capables de faire des efforts et de supporter des désagréments pour leur religion. Mais si les non-Juifs comprennent la valeur d’une mitsva abstraite, comme la prière, quand il s’agit simplement de s’asseoir dans la soukka, ils ne comprennent pas comment une telle chose peut amener de la sainteté à l’homme. C’est pour cela que Na’aman ne comprit pas comment le simple fait de se tremper dans le Jourdain pouvait guérir ou réparer quoi que ce soit.

“C’est de ce point de vue-là que la mitsva de la terre d’Israël est comparée à celle de la soukka dans le récit de la Guemara, parce que c’est une mitsva que l’homme accomplit simplement en habitant dans un endroit, sans avoir à y faire quoi que ce soit de particulier. Qu’une mitsva aussi factuelle puisse être source de sainteté pour l’homme, c’est quelque chose qu’un non-Juif ne peut pas comprendre.” 

Dans le chapitre qui suit, le Rav notre maître dira que la raison profonde de cette incompréhension, quand on la retrouve chez des Juifs, est qu’ils n’étudient pas les secrets de la Thora, c’est-à-dire la Kabbale :

“Par méconnaissance des secrets, la notion de la sainteté de la terre d’Israël prend une forme confuse”.    [Orot, la Terre d’Israël, § 2].