Note 1.13 – Il ne faut pas renier la conception utilitaire

Il est clair cependant que le Rav ne renie pas complètement cette manière de voir, qui se préoccupe de la sauvegarde physique du peuple d’Israël. Dans des proclamations publiées à la fin de sa vie (contenues dans le livre Maamaré Réiya sous le titre ha-Kriot ha-Guedolot) il appelle le peuple d’Israël à monter en terre d’Israël, non pas en faisant valoir que c’est une terre précieuse où jaillit la lumière divine, mais tout simplement parce que l’exil le met en danger : “venez en terre d’Israël et sauvez vos vies…”  [p. 323]

Le Rav Tsvi Yéhouda écrit lui aussi qu’une des raisons pour lesquelles il faut s’engager dans l’armée découle des contingences du moment, car : 

“La force de l’obligation de sauver une vie d’Israël est évidente pour tout homme de Thora, ainsi que la gravité de la faute constituée par toute négligence dans l’accomplissement de cette obligation…”    [Nétivot Israël (I), p. 118]

Comme dans l’exemple que nous avons cité plus haut, un homme n’épouse pas sa femme seulement pour qu’elle lui prépare de bons repas. Mais le lien de vie qui les unit ne l’empêche pas non plus de lui préparer la soupe qu’il aime !…

Voici comment s’exprima le Rav Tsvi Yéhouda dans un séminaire de formation des Bné Akiba de l’extérieur, en l’année 5736 [= 1976] [Sihot Harav Tsvi Yéhouda I, § 8] :

“… Hors d’Israël il y a un très fort courant d’assimilation, les non-Juifs nous causent de graves ennuis, et chacun peut comprendre que ce n’est pas une situation acceptable. C’est une situation périlleuse, car il faut assurer le maintien du judaïsme ! La situation de la jeunesse juive est-elle sûre là-bas à l’université ?

Question : ils n’ont pas toujours ce sentiment d’insécurité...

“Réponse : les goïm leur donnent l’occasion de le ressentir de temps à autre, et de différentes manières. Il faut qu’ils arrivent à le ressentir et à comprendre la situation avant que le goy ne vienne les frapper ! C’est cela qu’il faut leur expliquer.

Question : mais c’est une motivation négative !

“Réponse : tout-à-fait, très bonne remarque. Cette motivation négative de l’aliya, consécutive aux malheurs de l’exil, apparaît dans les premiers écrits de Hertzel : il est impossible de rester plus longtemps parmi les goïm et il faut rentrer à la maison. Mais ceci dit, il est bien sûr plus important et essentiel de développer chez nous le versant positif de cette motivation, qui consiste à ressentir et à comprendre qu’une vie saine nous attend en terre d’Israël. C’est cela qui doit nous attirer, c’est comme cela que ça doit être. Mais quand le côté positif fait défaut, on a absolument besoin du côté négatif.

“Il y a donc deux côtés : la vérité la plus grande, c’est ce besoin fondamental de puiser dans la terre de vie, la terre de nos ancêtres, ceci est le côté positif et essentiel ; mais il n’est pas moins important de comprendre qu’on ne peut pas vivre, dans tous les sens du terme, dans une terre étrangère, et c’est le côté négatif. Il est malheureux que le côté positif disparaît parfois, à cause de l’influence abêtissante de la vie en milieu étranger qui nous amène à oublier Jérusalem !

‘si je t’oublie Jérusalem, ma droite oubliera !’    [Psaumes 137, 5]

“Nous nous oublions nous-mêmes, et alors le Saint-Béni-Soit-Il réactive les facteurs qui suscitent le côté négatif, afin que nous nous souvenions de notre situation d’exilés”.    […]