Note 8.235 – Voir la nation renaissante d’un regard intérieur

L’origine de toutes nos aspirations sionistes, nationales, militaires et politiques est à l’intérieur de nous ! Nous devons ouvrir les yeux pour le reconnaître, même si la chose n’apparaît pas de l’extérieur.

On raconte l’histoire d’un professeur athée qui disait à ses élèves : “Est-ce que vous voyez cette table ?” – ils répondent : “oui” ; “est-ce que vous voyez cette chaise ?” – “oui”; “est-ce que vous voyez Dieu ?” – “non”. Le professeur tire la leçon et dit : “c’est signe que Dieu n’existe pas”. Un des élèves se lève alors et demande : “Est-ce que vous voyez l’intelligence du professeur ?” – “non” ; – “c’est signe que le professeur n’a pas d’intelligence”

Il y a des choses que nous ne pouvons pas voir, bien qu’elles existent en réalité. Ainsi nous ne voyons pas l’électricité, et pourtant elle existe ! Nous ne pouvons pas voir l’âme, pas plus l’âme individuelle que l’âme collective. Mais si quelqu’un ne la voit pas de son regard intérieur, tout son monde profond s’en trouve dévasté !

On raconte que le philosophe Socrate demanda à son élève Antisthène de lui donner la définition d’un cheval. L’élève lui dit : “Je ne peux pas définir un cheval comme un animal à quatre pattes, parce qu’un cheval à trois pattes est aussi un cheval ; je ne peux pas le définir comme un animal de couleur brune, parce qu’un cheval peut être aussi de couleur noire ou blanche ; je ne peux pas le définir comme un grand animal, parce qu’un cheval peut aussi être petit ; je ne peux pas le définir par sa forme particulière, parce qu’une statue qui a cette forme n’est pas un cheval”. Socrate lui dit : “Ce qui définit un cheval, c’est sa ‘chevalité’”. L’élève lui demanda : “Qu’est-ce que c’est que la ‘chevalité’ ?! Un cheval, je le vois, mais la ‘chevalité’, je suis incapable de la voir…”. Socrate lui dit : “Si quand tu vois un cheval tu ne vois pas la ‘chevalité’, c’est que toi-même tu regardes comme un cheval…”.

Il y a ainsi des gens qui regardent le peuple d’Israël avec un regard de cheval, de façon superficielle et complètement extérieure, et il y a des gens qui regardent le peuple d’Israël d’un regard intérieur et profond. Le Rav Kook nous a appris qu’en fin de compte l’esprit vient de différentes directions, diverses et variées, comme il est dit : “Viens des quatre vents, esprit, et souffle sur ces morts pour qu’ils revivent” [Ézéchiel 37, 9], même s’il s’agit d’idées simples et superficielles, telles que la volonté de trouver un ‘abri sûr’ et l’indépendance pour Israël, [ces petits souffles ramènent à la vie l’esprit profond d’Israël].

Dans l’article ‘Hatarbout Ha-israélit’, notre maître le Rav Tsvi Yéhouda écrit :

“Il est vrai que nous voyons dans le vaste monde une foule d’éléments particuliers, une variété de fragments éphémères et sans force, faits de déchirures et de bouts séparés qui s’opposent sans paix ni répit ; et parmi ces événements divers et variés, certains nous contrarient et heurtent nos sentiments, alors que d’autres nous comblent de plaisir et de joie. Mais lorsque nous nous élevons et que le champ de notre regard s’élargit pour voir le ‘tout’, tout ce qui existe, qui défie le temps et qui persiste à travers ces changements, ces divisions, ces proliférations et ces antagonismes, [pour voir] le contenu intérieur de tout cela, l’âme de la vie, l’âme pure, la globalité et la généralité, et en même temps l’intériorité, l’éternité et l’infinitude de tout cela, alors nous arrivons à la connaissance de la vie, de l’existence véritable et pure, de la sainteté et de l’unité qui englobent et remplissent toutes ces choses ; [à la connaissance] de la source, de la cause UNE qui crée, qui donne forme, qui fait être, qui fait exister et qui dirige toute existence de la nature et de l’Histoire présente” [Lénétivot Israël (I) p. 9].

C’est en effet ce que nous disons tous les jours : “Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est UN” [Deutéronome 6, 4] – c’est-à-dire : non seulement le Saint-Béni-Soit-Il “est UN, et il n’existe aucun autre qui lui ressemble pour lui être associé” [comme le dit le cantique ‘Adon ‘Olam], mais tout ce qui existe dans le monde vient du Saint-Béni-Soit-Il ; et que tout ce que l’Assemblée d’Israël fait et réalise, absolument tout, vient de Lui, qui réside en elle et agit à l’intérieur d’elle.

C’est pourquoi nous devons regarder la réalité à partir d’un regard intérieur. Et là est l’effort [éducatif] extraordinaire du Maharal, qui revient sans cesse sur ses explications dans le but de rediriger [constamment] notre regard sur la réalité. Il veut nous la montrer à travers différents aspects, pour arriver à ce que nous réalisions le verset : “car d’œil en œil ils verront le retour de l’Éternel à Sion”, dont notre maître le Rav Tsvi Yéhouda donnait cette explication merveilleuse : “cela signifie qu’il y a un œil en-bas et un œil en-haut, et quand l’homme sait diriger l’œil d’en-bas vers l’œil d’en-haut, quand il s’élève et se hisse à ce niveau, alors il arrive à voir le retour de l’Éternel à Sion ; c’est [donc] à nous de diriger nos yeux” [Sihot Harav Tsvi Yéhouda, Yom Ha’atsma’out 5716, § 4]. En d’autres mots, seul celui qui sait diriger son regard vers le regard divin est capable de voir le retour de l’Éternel à Sion.

Comme disait le philosophe, ce qui est difficile pour l’homme est de ‘voir’ qu’il a des lunettes, car tout le temps qu’il regarde, il ne voit pas ses lunettes mais à travers ses lunettes… C’est pourquoi nous devons ‘changer de lunettes’ quand nous regardons la réalité, et ceci est possible en étudiant les livres du Maharal, qui [en nous faisant voir les choses de différents points de vue] nous élèvent à une conception abstraite.

C’est justement maintenant, dans cette génération qui a vu une chute considérable de la nation [au plan spirituel], qu’il y a un très grand besoin d’expliquer et d’éclaircir la notion du ‘potentiel caché’ [ségoula] d’Israël. Le Rav Kook écrit :

“L’amour d’Israël” ne provient pas d’une quelconque émotion superficielle, mais il “est engendré par le rayonnement divin de l’Assemblée d’Israël, qui est pour elle une propriété identitaire”, ni conjoncturelle ni changeante, mais identitaire et fixe, “qui ne changera jamais dans toute la succession des époques. Il importe que cet amour suprême, avec la croyance profonde en son origine qui fait son essence, soit ranimé chez les hommes de cœur et d’esprit [les Talmidé Hakhamim] tout particulièrement aux temps où la déchéance spirituelle, le piétinement de la sainteté et le mépris de la religion apparaissent dans la nation au pire de leur nocivité”. C’est justement dans ces moments-là qu’il faut plus que jamais apprendre à voir la lumière intérieure du peuple d’Israël, “afin de discerner que la force d’Israël vers son Dieu est malgré tout grande et puissante, et de concentrer son regard sur cette lumière intérieure qui imprègne l’esprit de la collectivité, et qui réside aussi dans l’âme de chaque individu d’Israël, ouvertement ou de manière cachée, même dans l’âme la plus éloignée et la plus écartée du chemin de l’Éternel. Le dévoilement effectué par le tsadik, qui aime de toutes les forces de sa vie le caractère identitaire profond de la nation, la bonté divine précieusement cachée en son sein, a une action bénéfique sur [cet] homme qui plaide ainsi dans la vérité [la cause du peuple d’Israël], il l’élève au-dessus de la bassesse d’une vie grossière et bornée, qui chemine obscurément dans les tourments mélancoliques. Et cette action revient de manière cachée sur l’ensemble de la nation et sur ses individus, en leur donnant la force qui éveille la grâce et la bonté divine. Et celle-ci leur frayera un chemin vers la techouva par amour [Orot Israël 4, 2]. 

Et ailleurs il écrit encore :

“Les ‘rescapés que Dieu appelle’ [Joël 3, 5], les ‘fervents de la génération’, les ‘saints suprêmes’, ne doivent diriger leur regard sur aucun défaut, sur aucun travers d’aucune âme d’Israël attachée de manière quelconque à la ‘pierre de sa carrière’ [à la matière dont elle a été formée], mais seulement relever le caractère collectif, présent dans chaque âme individuelle, au faîte de sa hauteur et à la suprématie de sa sainteté. L’amour inconditionnel envers la nation, qui est la matrice de notre vie, ne peut être amoindri pour aucun motif, pour aucune défaillance au monde : ‘Il ne regarde pas de fraude en Jacob, il ne voit pas d’injustice en Israël ; l’Éternel son Dieu est avec lui, et l’affection du Roi lui est acquise’ [Nombres 23, 21]. Nous nous élevons au-dessus de toute pensée accusatrice, provenant d’une compréhension superficielle de certains discours et exhortations morales, qui amène à réveiller la colère et la haine entre frères. C’est remplis de bienveillance, et imprégnés d’une rosée de bonté suprême, que nous revenons embrasser avec amour l’âme entière de la maison de Jacob, si désireuse de voir la joie de notre peuple, et de se glorifier de son héritage [la Terre d’Israël]. C’est seulement à partir de cet amour fidèle, à partir des sentiments de respect les plus chaleureux, émanant à la fois de l’esprit et du cœur, que nous venons proclamer le retour à la Thora et aux mitsvot, à la sainteté et à la foi, à l’héritage des pères et à la tradition des Anciens, à la lumière du Dieu d’Israël, qui apparaît sur son peuple et sur sa Terre de façon définitive, dans le génie de sa force. Écartons-nous de toute rancune, élevons-nous au-dessus de toute petitesse d’esprit et de cœur, hissons-nous au-dessus de toute haine ou diatribe accusatrice, imprégnons-nous de l’amour fraîchement puisé à la source de son délice, greffons les branches de la bonté sur la souche de la connaissance, la splendeur de la liberté sur la beauté de la vieillesse, de la confiance et du respect des parents et des enseignants, qui sont le propre d’un peuple millénaire, noble et solide. Nous sommes appelés à cette renaissance vigoureuse et nous allons vers elle. C’est la terre patriarcale chérie, notre terre de vie, qui nous rendra capable de cette élévation des élévations. ‘Notre Dieu est éternel, Il nous conduira au-delà de la mort’ [Téhilim 48, 15]” [Orot Hatehiya chap. 24, p.76].