Note 8.203 – La spécificité d’Israël est inscrite dans sa nature profonde

À propos de ce que dit la Guemara“Quand les Grecs entrèrent dans le Temple, ils souillèrent toutes les huiles qu’il contenait ; quand le royaume des Hasmonéens monta en puissance et les vainquit, on chercha, et on trouva une seule fiole d’huile qui était restée scellée du sceau du Grand-Prêtre…” [Chabbat 21b], le Rav Kook écrit :

“Car les Grecs avaient réussi à souiller les actes, les vertus morales et le point de vue sur le monde du peuple d’Israël, mais il y avait une seule chose qu’ils n’avaient pas réussi à souiller : la flamme intérieure de son âme originelle, ce désir profond de la sainteté de la vie, de la connaissance de la Thora et de la fidélité à ses voies, enfoui au fond du cœur d’Israël…

“La prêtrise dans son ensemble, qui avait pour mission d’enseigner les règles de conduite et les connaissances pures de tous les domaines, était déjà prête à céder à la profanation sous la pression des Grecs. Mais la lumière de l’âme d’Israël résidait encore plus profond dans son cœur, là où se cache le lien intrinsèque de tout Israélite, celui qui se manifeste dans toute sa force au sein de la collectivité nationale par la croyance fondamentale dans le Dieu d’Israël, et par la volonté puissante et inébranlable de ne jamais se séparer de la ‘maison de la vie’, [c’est-à-dire] de la foi dans son principe [et non comme connaissance théorique – NdT]. Voilà le monde intérieur d’Israël. Il est représenté dans la communauté par le Grand-Prêtre, qui entre dans l’intérieur [du Sanctuaire] le plus profond, pour y accomplir le service divin dans la sainteté du jour le plus saint, coupé de toute préoccupation de vie matérielle. Cette petite fiole demeurée scellée du sceau du Grand-Prêtre, les Grecs ne purent la souiller. La force ne pourra jamais arracher le lien intrinsèque et profond de la collectivité d’Israël avec l’Éternel-Dieu d’Israël : ‘L’abondance des eaux ne pourra éteindre l’amour, et les fleuves ne le submergeront pas’ [Cantique des Cantiques 8, 7]… 

“La lueur de la foi intérieure, demeurant au plus profond du cœur d’Israël, était représentée par une petite fiole d’huile restée scellée du sceau du Grand-Prêtre, que les étrangers ne pourraient jamais souiller” [Maamaré Réaïa, p. 152]. 

La question est de savoir si nous croyons qu’il y a dans le peuple d’Israël, par-dessous tous les tas d’ordures et les façades dégradés, par-dessous le manteau de l’anti-religiosité, de la haine, du mépris et du déni… s’il se trouve ou non une flamme de sainteté au fond de tout cela. Voilà la question centrale. Est-ce que nous croyons que dans le peuple d’Israël, dans la présente génération telle qu’elle est, il y a ou non une force de sainteté ? Est-ce que nous croyons qu’il y a une force du bien à l’intérieur de la nation, supérieure à toutes les forces du mal présentes dans le monde, et qu’en fin de compte elle les vaincra, si ce n’est aujourd’hui demain, et si ce n’est demain l’année prochaine, et si ce n’est l’année prochaine à la génération suivante, et qu’au bout du compte l’important est qu’elle les vaincra ? Est-ce que nous le croyons ou est-ce que nous le croyons pas ??? Voilà le principe de notre approche.

Cela ne veut pas dire qu’il nous est interdit de critiquer [la génération]. Mais même cette critique doit être inspirée par la confiance que les choses vont en s’améliorant. Autrement, si le critique n’est pas inspiré par la confiance, il n’accomplit pas la mitsva de réprimander son prochain, mais il se met simplement en colère, et se fâche sans aucune utilité…

Ne croyons pas que du temps du Rav zatsal tous étaient des pionniers, des idéalistes, des justes et des amis des religieux. À son époque, la situation était incomparablement pire que ce qu’elle est aujourd’hui. La déchirure entre les ‘religieux’ et les hilonim était beaucoup plus profonde, le Rav lui-même était méprisé, dédaigné et injurié. Il était attaqué sans pitié par ceux-là même dont il écrivait que leur intérieur brûlait d’une flamme de sainteté !

Et ne dis pas qu’aujourd’hui le mal est prédominant, avec les profanations de Chabbat, les mœurs indécentes, la haine, le mensonge, l’escroquerie, la corruption, etc. Je connais bien toutes ces histoires, mais ce n’est pas de cela qu’on parle. Je sais qu’il y a du mal dans le monde, la question est de savoir si tu crois qu’en-dessous de tout cela se trouve un bien immense et puissant qui finira par vaincre tout le mal.

Voyez par exemple l’affaire de l’Altalena. Trois livres ont été écrits sur le sujet, l’un par le commandant en second du Palmah, le second par le commandant du navire, et le troisième par un journaliste célèbre. Les trois décrivent comment on a ouvert le feu sur le navire sans aucune mise en garde, et comment on a tiré même sur les chaloupes où étaient couchés les blessés, et on les a coulées. Tout cela je le sais, mais la chose la plus marquante et la plus importante est qu’après cela, Menahem Begin dit qu’il fallait se retenir de réagir, aussi bien dans les actes que dans les propos : “Avons-nous intérêt à jeter de l’huile sur le feu, et à attiser la haine au point de déclencher une guerre civile, Dieu nous en préserve” ? Et en fin de compte, la haine restée sous-jacente finit par disparaître… C’est là que fut la vraie grandeur !

C’est pourquoi nous devons croire qu’au fond de ce peuple, malgré toutes les manifestations de haine ici et là, il y a à l’intérieur des réserves de fraternité et d’amour aussi immenses que puissantes. Nous devons croire qu’au fond de ce peuple qui dédaigne toute sainteté, se trouve dissimulée une crainte révérencielle de la sainteté, et une soif avide de ce qui est saint.

(Sinon, pourrions-nous dire que le Saint-Béni-Soit-Il a « gaffé », en délivrant des gens qui ne devaient pas l’être ?! – et qu’Il ne sait pas faire son travail ?!)…