Note 7.161 – Effet caché des mitsvot, et importance du Juste caché

Quand quelqu’un réalise une mitsva, quelqu’un d’autre peut soudain éprouver une grande joie. Grâce à la réalisation d’une action généreuse, il se peut que quelqu’un, quelque part, éprouve tout-à-coup des sensations délicates et bienfaisantes…

Il y a le Juste dévoilé, celui qui en appelle au Nom de l’Éternel ouvertement, comme par exemple Abraham notre père :

“Nous rencontrons ici particulièrement l’énergie et la vaillance d’Abraham notre père. Ce don pour l’action se manifeste de tous côtés et de manière récurrente : sa force spirituelle , sa force de caractère pour traiter les complications causées par son proche parent [Lot], sa richesse exceptionnelle, son influence spirituelle pour convertir les gens. Cette tendance à l’activité était un caractère particulier d’Abraham notre père…” [Sihot du Rav Tsvi Yéhouda, Livre de la Genése, p. 132]. 

Et il y a le Juste caché, celui qui en appelle au Nom de l’Éternel secrètement, comme par exemple Isaac notre père. Lui était complètement passif et introverti, mais son intériorité était tellement remplie de puissance  qu’elle se répandait à l’extérieur et qu’elle élevait les âmes de ses contemporains sans qu’ils s’en aperçoivent :

“Comparée à cette activité exceptionnelle [d’Abraham], quelle activité trouvons-nous chez Isaac notre père ? À peine quelques versets : il avait creusé des puits, il avait ensemencé… et récolté au centuple, rien de comparable à l’activité de son père. Isaac notre père n’était pas un homme d’action, il était ‘agi’ par d’autres. Ainsi, dans notre paracha, son mariage est arrangé par son père et par son serviteur fidèle, et même dans l’affaire des bénédictions à Ésaü et à Jacob il est manipulé. Il se laisse faire jusqu’à accepter d’être sacrifié, ce qui est le summum de la passivité. Quel contraste avec son père… Isaac notre père était un homme qui était passif devant la transcendance céleste… La passivité devant la volonté et la providence divines est plus grande que l’activité, dont la valeur est entièrement humaine (alors que la passivité est une acceptation du Divin) : Isaac notre père n’agit pas par lui-même, mais par ce qui lui est fait selon la parole divine, selon ce qui a été arrangé par le Maître du monde, c’est ce qui se passe pour son mariage, pour les bénédictions et pour le sacrifice. Isaac est une sorte de ‘juste caché’. C’est à partir d’Abraham, le juste dévoilé et le champion de la sanctification du Nom divin, que se continue le mystère du juste caché” [Ibid., p. 191]. 

Et il y a aussi un Juste qui est à la fois juste dévoilé et juste caché. Lui aussi agit, réalise, enseigne, écrit et commente, mais tout ceci n’est rien à côté de son action cachée, au plus profond de sa vie :

“[Le principe de] l’unité des âmes amène à reconnaître la réalité des ‘travailleurs spirituels’, qui œuvrent à leur élévation intérieure. Leur travail n’est pas perceptible dans le monde, leur influence ne s’exerce que sur le raffinement de l’âme et l’éclairage de toute la vie, au moyen de ce qu’ils sont eux-mêmes… Depuis toujours nous avons connaissance de ce secret : l’importance du rôle des Talmidei Hakhamim dans le monde, de l’importance des Justes et des valeurs qui sont les leurs” [‘Arpile Tohar, p. 56].  

(…)

Notre maître le Rav Kook, par exemple, s’est occupé de beaucoup de choses tout au long de sa vie, mais quelle importance avaient-elles à côté de l’incendie spirituel redoutable qui faisait rage à l’intérieur de lui ? Son commentaire sur le livre de prières [publié sous le nom de ‘Olat Reaïa] n’était pas une simple explication, mais le reflet de sa propre prière.

Le Rav Yaakov Moché Harlap raconte :

“Pendant l’été 5681 (1921), le Rav partit en vacances à Har Tov, et j’allai lui rendre visite. Nous restâmes à parler jusqu’à une heure avancée de la nuit, et le matin, je m’aperçus que le Rav tardait à venir prier. De plus, à l’opposé de son habitude de ne rien faire avant la prière, je vis qu’il avait été voir l’aubergiste, et qu’il s’était lancé avec lui dans une conversation sur la manière dont poussaient les plantes, et quels arbres fruitiers on pouvait planter dans la région, et que seulement après il alla prier. Ce retard et cette conversation m’intriguèrent beaucoup, et j’osai demander au Rav de m’expliquer cela. Il me répondit : ‘Ce matin s’est enflammé dans mon cœur un tel incendie de désir du Dieu vivant, que j’ai craint que ma vie ne se consume dans la prière, et j’ai dû réduire la flamme de ces sentiments de sainteté en faisant descendre ma pensée au niveau de choses tangibles et pratiques’” [publié, avec d’autres histoires, dans le livre ‘Orot Hatefila’ du Rav Moché Tsvi Néria, dans le chapitre ‘Vekhen Haïa Mitpalel’]… 

Même quand il s’occupait des affaires publiques [dans sa fonction de Grand-Rabbin d’Israël], sa bouche ne s’écartait jamais des mots de la Thora. Dans le livre Orot Hatechouva, il y a de nombreux passages autobiographiques. Il écrit par exemple :

“Il y a des Justes qui, lorsqu’ils manquent un instant à la plénitude, selon leur mesure, de l’adhésion à Dieu la plus élevée, ressentent profondément l’angoisse de la faute, et font réparation de cette crise au moyen d’une techouva de haut niveau, d’une techouva complète, grand et puissante. Mais même si” [l’homme est dans l’adhésion à Dieu mais que] “l’adhésion n’est réalisée que d’un seul côté, celui de la crainte ou celui de l’amour, ils ressentent déjà cela comme un grand défaut, comme une rupture de la cohésion de l’ordre divin dans le monde, et ils aspirent de toute leur âme à se saisir du niveau le plus élevé de la techouva pour réparer cette dégradation”.

En fait, le Rav était lui-même au-dessus de ce niveau, selon ce qu’il écrit ensuite :

“Et les Justes les plus élevés, emplis de la bonté et de la miséricorde divine pour la Création entière, pour tous les mondes et tout ce qu’ils contiennent de haut en bas, ceux qui sont ceints de vaillance et couronnés de splendeur, de la splendeur de la vérité, ils ressentent le moindre déséquilibre dans leur système raffiné d’adhésion à Dieu” [quand ils sont remplis d’amour et de crainte de Dieu, mais que l’équilibre n’est pas précisément respecté…]. Et même si le dosage de l’amour et de la crainte n’atteint pas l’équilibre qui convient, si l’un l’emporte plus qu’il ne convient sur l’autre, ils font techouva et s’élèvent au niveau suprême, depuis lequel se répandent les trésors du flux divin, et là ils découvrent l’équilibre de la sainteté suprême…

“Ce sont eux les hommes droits auxquels le secret de l’Éternel Dieu sera toujours révélé : ‘Et avec les hommes droits est son secret’ [Proverbes 3, 32]. C’est l’exemple radieux de leur aspiration à l’excellence spirituelle qui nourrit toute âme à la recherche de la splendeur et de la vie : ‘La recherche de leur honneur est un honneur’ [Ibid. 25, 27]” [Orot Hatechouva 14, 39].