1. L’interdiction de sortir de la terre d’Israël.
La Guemara de ‘Avoda Zara [13a] précise quand il est permis de sortir de la terre d’Israël : “pour étudier la Thora et pour épouser une femme”. Bien que pour les Tossafot, cette permission ne vaille que pour ces deux motifs, ils rapportent aussi l’opinion exprimée dans les responsa du Rav Ahaï Gaon, que ces deux mitsvot sont considérées comme ‘légères’, et que la permission s’étend “à plus forte raison aux autres mitsvot qui ont plus de poids”.
Le Rambam tranche ainsi :
“Il est toujours interdit de sortir de la terre d’Israël, sauf pour étudier la Thora, ou pour épouser une femme, ou pour échapper aux non-Juifs, et on doit ensuite y revenir. On peut aussi sortir pour une opération commerciale. Mais aller habiter hors d’Israël est interdit, sauf si la famine est si grave que les prix ont doublé. À qui cet interdit s’adresse-t-il ? À celui qui a de l’argent mais pour qui les produits alimentaires sont devenus trop chers. Mais à celui qui ne trouve ni argent ni salaire au point qu’il n’a plus un sou en poche, il est permis de sortir même si les prix alimentaires sont abordables, pour qu’il aille là où il trouvera son gagne-pain. Malgré tout, profiter de cette possibilité de quitter le pays n’est pas une attitude très valeureuse, et l’on voit que que Mahlon et Kilion, qui étaient deux Grands de leur génération, ont été punis de mort parce qu’ils étaient sortis de la terre d’Israël en période de grande famine [voir Ruth 1, 1-5. D’où l’on apprend qu’il est exigé des Grands d’Israël une conduite exemplaire, plus rigoureuse que ce qui est permis par la halakha pour le plus grand nombre – NdT] .
La Michna Beroura [531, 14] écrit :
“Il n’est pas permis de sortir de la terre d’Israël pour aller dans un autre pays, sauf si c’est pour gagner de l’argent ou rendre visite à son ami, car ceci est considéré comme un acte de mitsva pour lequel il est permis de sortir d’Israël. Mais pas s’il s’agit simplement d’aller faire du tourisme, car dans ce cas-là il est interdit de sortir…”.
Voir aussi Michpat Cohen § 147.
2. L’étude de la Thora a priorité sur la terre d’Israël.
Nos Sages posent la question : pourquoi Ezra le scribe n’est-il pas monté en terre d’Israël immédiatement avec la première aliya de Babylone ? Et ils répondent [Midrach Chir Hachirim Rabba 5, 5] :
“Parce qu’il devait clarifier son étude avec Baroukh ben Néria. Et pourquoi n’avoir pas fait monter Baroukh ben Néria ? Ils disent : c’était un Grand d’Israël d’un âge avancé homme, même en chaise à porteurs on ne pouvait pas le transporter”.
La Guemara de Méguila (16b), en conclut que :
“L’étude de la Thora est plus grande que la construction du Beit Hamikdach, car tant que Baroukh ben Néria était vivant, Ezra ne l’a pas abandonné pou faire son aliya”.
De même, nous savons de notre maître le Rav Tsvi Yéhouda qu’à une époque de sa vie il ne pouvait plus étudier la Thora en Israël, parce qu’on le dérangeait constamment en tant que fils du Rav Kook. Même quand il essaya d’étudier secrètement à la Yéchivat Porat Yossef, il n’y parvint pas. Alors, n’ayant pas d’autre choix, il sortit d’Israël pour aller dans la ville allemande d’Albertstadt. Là il enseigna la Thora à des jeunes, et il étudia lui-même tranquillement et sereinement.
3. La nature du lien avec la terre d’Israël.
Question : Pourquoi est-il interdit de sortir de la terre d’Israël pour aller à l’extérieur ?
Réponse : C’est comme si un homme demandait : “pourquoi m’est-il interdit d’échapper à mon lien conjugal pour aller faire du tourisme avec une autre femme”… Certes, en cas de nécessité, il est permis à un homme, par exemple de parler avec l’enseignante de son fils, mais il ne lui viendrait pas à l’esprit de lui proposer simplement d’aller se promener avec elle…
Tout découle du lien que l’on a avec la terre d’Israël – comme il est expliqué dans la chapitre 1. Si c’est une relation utilitaire et instrumentale, alors il n’y a pas de différence entre cet instrument-là et un autre instrument. Si par exemple mon vélo est cassé, je n’ai aucune raison de ne pas me servir du vélo de mon ami. Mais c’est tout-à-fait différent quand il s’agit d’une relation vitale, essentielle et profonde telle que la relation conjugale. Or voici comment le prophète Isaïe prophétise sur Jérusalem :
“On ne te dira plus ‘abandonnée’, et on ne dira plus ta terre ‘désolée’, car tu seras appelée ‘mon désir est en toi’ et ta terre ‘épousée’, car le désir de l’Éternel est en toi et ta terre sera possédée. Comme le jeune homme prend son épousée tes enfants te prendront, et comme le marié réjouit son épousée ton Dieu te réjouira” [Isaïe 62, 4-5].
Puisque tel est le lien qui unit le peuple et sa terre dans une entité unique/1.7, il est évident qu’il n’est pas possible d’en prendre congé ni d’en sortir ! Et la preuve en est que lorsqu’un homme d’Israël sort de la terre d’Israël, aussitôt ses capacités intellectuelles et imaginaires se dégradent [cf. ‘Itourei Cohanim n° 204, p. 6].
4. L’interdiction de sortir de la terre d’Israël pour faire du tourisme.
Question : Comment certains rabbanim ont-ils pu permettre de sortir d’Israël pour faire du tourisme (comme c’est rapporté dans le livre Tseda Laderekh, aux éditions de l’Institut Tsomet) ?
Réponse : En effet, ce qu’ils disent est difficile à comprendre, car ils s’appuient sur une opinion isolée d’un des Richonim, qui ne l’a mentionnée qu’incidemment. Est-ce ainsi qu’on fixe la halakha, contre les avis explicites du Rambam, du Choulhan Aroukh et de la Michna Beroura ?! Parfois, quand on a affaire à un cas de force majeure des plus graves, on tranche la halakha d’après un avis unique qui a été repoussé. Mais bien évidemment une telle chose ne doit pas être divulguée publiquement, car alors on en viendrait à permettre tous les interdits (…).
Voir à ce sujet ce qui est rapporté dans ‘Itoure Kohanim n° 212, p. 32 :
“Quant au trois autres rabbins qui le permettent effectivement, avec tout le respect qui leur est dû leur opinion est étonnante, car ils s’opposent à des Richonim qui l’interdisent explicitement, à savoir le Rambam, le Raabad dont l’opinion est rapportée dans le Choulhan Aroukh, et les Tossafot d’après la compréhension la plus courante. Et cela a été interdit également par les plus grands rabbins de notre génération, parmi lesquels le Rav Mordekhaï Éliahou, le Rav Ovadia Yossef [responsa Yehave Da’at 3, 221 ; 5, 206], et aussi le Rav Chlomo Zalman Auerbach [dans le livre Ve’alehou Lo Yibol] (…)”.
Celui qui est amoureux de notre terre si précieuse, comment pourrait-il l’abandonner même un instant ?!
Il arriva un jour qu’un feuillet de Chabbat publie en première page une réponse du Rav Mordékhaï Éliahou traitant de l’interdiction de sortir de la terre d’Israël pour faire du tourisme. Mais sur le pied de page il y avait une publicité qui proposait un voyage à l’étranger ‘cacher lamehadrin’ ! À un des lecteurs, qui s’étonnait de cette contradiction flagrante dans la même page, la rédaction lui répondit que l’article du Rav appartenait à la section de halakha, alors que la publicité appartenait à la section publicitaire !…