Le vrai fond juif de Theodor Hertzl


Hertzl est injustement représenté par la plupart des Juifs religieux, et aussi par les sionistes opposés à la religion, comme un personnage strictement laïc et assimilé, et c’est cette image que tout le monde connaît de lui. Le Rav Aviner met ici en évidence ce déni de justice, en nous rapportant un choix de citations de Binyamin Zéev (Theodor) Hertzl extraites notamment de son Journal et de son roman utopique ‘Altneuland’, dans lequel il nous dévoile ses rêves les plus intimes. 


Toute parole d’Hertzl d’où se dégage un profond parfum de sainteté est aussitôt effacée, on l’escamote et on la dément. Mais en vérité Hertzl était rempli d’aspirations profondes. Dans son journal il écrit :

“Notre nation n’est une nation que par sa foi” [Journal (I) p. 57, et notre maître le Rav Tsvi Yéhouda écrit à ce sujet que “celui qui pense, qui parle et qui écrit ainsi  n’est pas un hérétique” – Nétivot Israël, p. 123 de la deuxième édition, ‘Léhatsdik Tsadikim’] ; 

“Nous ne connaissons notre force historique que par la foi de nos pères” [ibid. p. 149] ;

“Je travaille l’idée. Non ! c’est l’idée qui me travaille. Elle serait considérée comme folle si elle n’était pas tellement pertinente du début à la fin. Une situation comme celle-ci était appelée autrefois ‘implication de la Présence divine’ [ibid. p. 93] ;

“Il s’étonne que mon cœur s’enflamme tellement pour ‘notre cause’. Il n’évalue pas jusqu’à quel point mon cœur s’enflamme. Mais c’est en effet sans précédent. Mon judaïsme était loin de moi ; disons qu’il était déposé quelque part au seuil de ma conscience. De même que l’antisémitisme pousse les Juifs faibles et opportunistes, dont le cœur s’est ramolli, à se tourner vers le christianisme, chez moi au contraire cette pression a puissamment renforcé mon judaïsme. Rien à voir avec la pratique religieuse. Avec tout le respect que j’éprouve pour la foi de mes pères, je ne fais pas partie des gens pieux et orthodoxes, et je n’en serai jamais. Mais je n’ai aucune intention de faire quoi que ce soit contre la religion ; bien au contraire, il devient clair pour moi que je veux travailler avec les rabbins, avec tous les rabbins” [ibid. p. 106]. 

Dans son livre Altneuland, il écrit :

“Friedrich posa sa main sur la tête du jeune homme : ‘que le Dieu de nos pères t’accorde son salut’. Et en lui-même il s’étonna de ses paroles après les avoir prononcées. Depuis son enfance, depuis l’époque où il allait à la synagogue avec son père, Friedrich n’avait plus rien su du ‘Dieu de ses pères’. Et voici que cette rencontre inhabituelle évoquait en lui des souvenirs anciens et oubliés, voici que lui revenaient l’une après l’autre des pensées nostalgiques sur cette foi puissante de son enfance, quand il entretenait par des prières le lien avec le Dieu de ses pères” [Altneuland 1, 3]. 

“Et tout à coup, parmi ces réflexions entrecoupées de chants hébraïques, Friedrich reconnut et comprit la valeur du Temple. Autrefois, sous le règne de Salomon, le Temple orné d’or et de pierreries était le symbole de la fierté d’Israël et de sa force. Il était décoré d’or, d’argent et de bronze, de bois de cèdre, de cyprès, et d’olivier dans le goût de l’époque, et il était objet d’admiration. Cependant, malgré toute cette magnificence liée aux idées de l’époque, il n’est pas possible que les Juifs aient versé leurs larmes pendant mille huit cents ans sur la réalité concrète de cet édifice remarquable. Ce n’est pas sur les murailles de ce bâtiment détruit qu’ils ont pleuré en se tenant à côté des ruines – pleurer ainsi pendant dix-huit siècle serait une insigne sottise ! Non, ils gémissaient sur quelque chose qui avait disparu, quelque chose d’invisible, dont le bâtiment était l’expression de pierre. Et Friedrich ressentit cette chose mystérieuse à l’intérieur du nouveau Temple qui avait été reconstruit à Jérusalem. Son cœur fut pris de crainte et de grandeur : voilà que se tiennent ici les descendants du peuple du Dieu d’Israël, et ils reviennent, prêts à donner leur vie pour cette chose disparue. Comme leurs pères d’autrefois ils se tiennent sur le Mont Moria, et les paroles de Salomon se mettent à revivre : ‘L’Éternel a promis de résider dans cette brume ; construire j’ai construit un palais pour Toi, [Éternel,] siège de ta résidence pour l’éternité’ [Rois I 8,12]” [Altneuland 5, 1].

Et il termine son livre par la description suivante : ‘

“Dans cette atmosphère inspirée, Friedrich Lœwenberg posa une question, à laquelle chacun d’eux répondit selon son idée. La question était : ‘étant donné qu’il y a ici une nouvelle forme de vie sociale communautaire, mieux adaptée au bien-être des humains que tout ce qui existait auparavant, qui a réalisé cela ?’ – Le vieux Litvak dit : ‘la pénurie’.  L’architecte Steineck dit : ‘le peuple qui est revenu et qui s’est uni’. Kingscourt dit : ‘les nouveaux moyens de transport’. Le Dr Marcus dit : ‘la science’. Le professeur Steineck dit : ‘les forces de la nature’. Le révérend Hopkins dit : ‘la tolérance mutuelle’. Rachid Bey dit : ‘la confiance en soi’. David Litvak dit : ‘l’amour et la souffrance’. Quant au vieux rabbin Samuel, il se leva et dit solennellement : ‘Dieu’” [Altneuland 5, 6]. 

Hertzl termine son livre ainsi : c’est le Saint-Béni-Soit-Il qui a créé l’État d’Israël !

Quand le Kaiser allemand visita la Terre d’Israël en 1898, et qu’il exprima le désir de rencontrer Hertzl à la tête d’une délégation sioniste, Hertzl lui écrivit une lettre avec une conclusion extraordinaire :

“Le secret de l’Éternel se découvre sur nous dans ces heures historiques pour le monde. Nous n’avons rien à craindre quand l’Éternel est avec nous [propos publiés par le Dr Georges Weisz dans le feuillet ‘Ma’ayané Hayéchou’a’ n° 273. Voir le développement dans son livre ‘Theodor Hertzl – une nouvelle lecture’].

On voit donc que les hilonim ont falsifié le personnage Hertzl en faisant de lui un renégat, et les harédim de leur côté ont fait la même chose (…).


Celui qui veut en savoir plus sur la véritable personnalité d’Hertzl lira très utilement le livre du Dr Georges Weisz : ‘Theodor Hertzl – une nouvelle lecture’.