2.1. La recherche de Dieu
2.2. Le ‘derekh eretz’ précéda la Thora
2.1. La recherche de Dieu
Puisque la Thora est notre âme et notre être profond, et non une chose extérieure, on pourrait croire que l’homme n’a pas besoin de livres pour apprendre la Thora, et qu’il lui suffit d’apprendre en écoutant la voix de son âme, la voix de Dieu qui l’interpelle du fond de lui-même, d’après ce que nous venons de dire la chose semble fondée. Mais le problème, c’est que l’homme qui tente d’apprendre de lui-même ne peut pas savoir avec certitude s’il puise dans la profondeur de son âme pure, ou s’il ne pêche pas plutôt dans les scories de sa propre vie. C’est une réalité que l’âme est pure, mais son exploration a toutes les chances d’être dévoyée par les sinuosités de la vie de l’explorateur.
C’est ainsi que pendant les deux mille ans qui suivirent la création du monde, la période qui précéda le don de la Thora, l’homme essaya de puiser une Thora de lui-même. Il rechercha le Maître du monde en écoutant la voix divine qui s’élevait en lui, mais il ne Le trouva pas. Plus précisément, il trouva autre chose : l’idolâtrie [voir Rambam, Lois sur l’idolâtrie 1, 1-2]. Tel fut le résultat des recherches de l’homme, de ses tâtonnements et de ses balbutiements pour trouver le Maître du monde derrière la vérité intérieure cachée dans les profondeurs de son âme et dans toute existence.
L’idolâtrie ne fut pas le seul résultat des appels pressants de cette voix intérieure, de la voix divine qui l’interpellait avec force au fond de son âme. Il y eut aussi tous les mouvements de spiritualité, tous les courants idéologiques, toutes les productions culturelles, morales, religieuses, politiques et sociales ; tout cela fut la manifestation dans la réalité de l’impulsion intérieure de l’homme vers le bien absolu, qu’il en fût conscient ou non [voir l’article ‘Kirvat Elokim’ du Rav Kook, dans ‘Maamaré Haréaïa’ p.32].
2.2. Le ‘derekh eretz’ précéda la Thora
Pourquoi la Thora ne-fut-elle pas été donnée aussitôt dès la création du monde ? Pourquoi le Saint-Béni-Soit-Il laissa-t-il l’homme s’égarer, et se rouler pendant deux mille ans dans la boue de l’idolâtrie, du meurtre et du vol, comme on le voit dans les générations du Déluge et de la Tour de Babel ? Puisque les hommes étaient dépourvus de la sensibilité profonde, morale et pure, pour se diriger d’eux-mêmes, pourquoi ne pas leur donner une Thora pour les remettre sur la bonne voie ?
Réponse : parce que les hommes étaient dévoyés du point de vue moral, et que si la Thora leur avait été donnée, ils l’auraient dévoyée elle aussi, car on peut tout dévoyer. N’ayant pas reçu la Thora, c’étaient des ‘irreligieux dévoyés’, mais si la Thora leur avait été donnée, ç’aurait été des ‘religieux dévoyés’, ce qui est bien pire. Car quand un homme est religieux, il a ‘un étage de plus’ que le non religieux, celui la Thora. Le religieux dévoyé a donc lui aussi un étage de plus que l’irreligieux dévoyé : celui du dévoiement religieux ! [Voilà pourquoi] le ‘derekh eretz’[= droiture et savoir vivre] précéda la Thora.
Pendant vingt-six générations le derekh eretz précéda la Thora. [Midrach Vayikra Raba 9, 3]
S’il n’y a pas de derekh eretz, il n’y a pas de Thora. [Traité des Pères 3, 17]
Le derekh eretz, au sens d’un comportement sociable, d’une vie de travail, d’une importance fondamentale donnée à la famille, d’un comportement généreux, autrement dit d’une ‘normalité humaine’, précède la Thora. La Thora se situe au-dessus des normes communes, mais il faut commencer par être des humains normaux : avant tout, les qualités humaines, l’humanisme. Tant que les gens ne sont pas normaux dans ce sens-là, il n’y a pas d’adresse pour livrer la Thora, il n’y a personne à qui parler, personne qui pourrait la comprendre. Et remettre la Thora à des gens mal éduqués, dépourvus des qualités humaines de base, risquerait fort d’avoir l’effet inverse et de faire du tort à l’humanité. C’est pourquoi, quand un non-Juif vint chez Hillel pour se convertir, celui-ci lui enseigna dès le début du processus :
Ce qui est détestable pour toi, ne le fais pas à ton prochain. [Chabbat 31a]
Avant tout, mets en pratique ce principe élémentaire, qui est la base du comportement humain. Ensuite tu pourras ajouter par-dessus, et construire des étages supplémentaires de Thora.
Le Livre de la Genèse est le livre de la Thora qui traite de la période précédant le don de la Thora. En réalité, la Thora aurait dû commencer par la parachat Bo du Livre de l’Exode, où apparaît la première mitsva donnée à Israël [voir Rachi sur Genèse 1, 1]. Cependant elle commence par le Livre de la Genèse, qui ne contient presque pas de mitsvot mais qui vient nous enseigner les principes fondamentaux. C’est le ‘Livre de la Droiture’, le livre des Patriarches au cœur droit, qui apprend à l’homme à être droit. La Thora ne peut se dévoiler que sur des gens droits. La simple morale précède la Thora, et avant que ce principe moral pénètre les cœurs, il s’écoula beaucoup de temps : “deux mille ans de confusion” [Sanhédrin 97a-b], des années de tâtonnements, d’erreurs et d’échecs, jusqu’à l’apparition de la lumière du monde : Avraham notre père.